Bloom ou Bloom ?

Je me réveillai en sursaut, j'avais les larmes aux yeux et de fortes nausées. J'avais encore fait ce rêve, toujours le même.
Une nausée plus forte me secoua, m'empêchant de m'apitoyer sur mon sort. Je m'enroulai dans la couette et attrapai une serviette à la volée pour parcourir le couloir en courant. Arrivée aux toilettes, j'y laissai mon diner puis je pris une douche froide.
Ce rêve... Ne s'arrêterait-il donc jamais ?

Une fois ma douche prise, je retournai dans ma chambre m'habiller. Je ne dormirais plus, je le savais. C'était comme ça chaque nuit. On m'avait parlé d'un dojo par ici, il me fallait le trouver en espérant qu'ils aient un bon punching ball.

J'arrivai au dojo une vingtaine de minutes plus tard. Il était grand et assez bien entretenu, moderne qui plus est. J'y trouverai probablement mon bonheur. Mais je n'eus pas le temps de chercher, j'entendis quelqu'un derrière moi. Je me retournai et aperçus un homme. Il manquait plus que ça...

Il devait avoir une vingtaine d'année, avait les cheveux bleu et les yeux vert. Celui qu'on m'avait décris comme tel était prof de maths. Mais prof ou pas la compagnie d'un homme me répugnait.

Je fus rassurée de voir qu'il ne me remarquait pas, se contentant de passer sans rien dire. J'en profitai pour sortir discrètement mais, sans m'en rendre compte j'avais claqué la porte. Etait-ce moi ou cette autre Bloom qui fut assez énervée en cet instant pour claquer la porte ?

Peu importe, il ne me suivrait, de toutes façons, probablement pas.

J'avançai à pas rapide au cas ou il me suivrait, ce que je trouvais moi même stupide. Je finis donc par ralentir mais c'est à ce moment précis qu'il me coupa la route. Je le regardais avec stupeur avant de reprendre, aussi vite que cela me fut possible, mon air impassible. Quoiqu'on pût probablement encore lire la même expression qu'un rat en cage sur mon visage.

« Je ne suis pas le seul à avoir du mal à dormir on dirait... » Qu'il me dit.

« Et c'est pour ça que vous m'avez coupez la route » Avais-je répondu d'un ton sec.

En réalité je n'avais pas voulu répondre comme ça mais mon autre moi s'en étais donné à cœur joie quand elle avait remarqué que je ne me maitrisais plus. Nous avions au moins ça en commun que nous profitions facilement des sentiments de l'autre. Maintenant, reprendre le contrôle n'allait pas être de toute simplicité. Pauvre type, il était mal tombé.

« Ne pensez-vous donc pas qu'un élève peut être une menace pour d'autres élèves ? »

*Surtout toi...*

*Toi ferme-là*

*Alors laisse moi la place*

*Dans tes rêves*

Pour cacher ce moment d'inattention, j'ajoutai sur le même ton :

« Ce serait s... »

Mais Je me coupai moi même, me retenant de tomber. Ma première personnalité repris le dessus, ne voulant vraiment pas envoyer paitre cet homme.

*Sale garce*

« Ferme-là ! » Avais pensé trop fort.

*C'est mignon, il s'inquiète !*

« Je t'ai dit de la fermer ! »

*Tu as parlé trop fort la miss*

Je venais de me rendre compte que je parlais à voix haute. Je voulu m'excuser mais ma seconde personnalité repris place avant même que je n'ai le temps de m'en remettre.

« Je vais très bien merci ! »

Je tournai les talons et retournai vers le dojo. Malgré son envie de me laminer le moral en l'envoyant paitre, elle avait trop peur que je me reprenne pour rester avec lui.

Je me retournai vers lui et malgré mon air arrogant je répondit d'une petite voie, essayant de retrouver un air impassible, voulant cacher ce qui se passait en moi :

« Oui je suis une des nouvelles élèves de cette année. »

Je tournai les talons et parti aussi vite que possible. Je devais rester moi-même, il ne fallait pas que j'envoie paitre un prof. Je devais me maitriser.

Je me figeai et regardai l'impasse. Je me tournai de nouveau vers lui et inclina la tête en temps que merci, complétant :

« Tout va bien, merci. Je suis juste fatiguée... »

Pour quelqu'un qui l'avait entendue si arrogante, la voir si aimable devait être un choc. Ce que confirma sa petite voix :

*Tu aurais pu trouver mieux, idiote*

*Tais-toi donc*

Je revérifiais le chemin et pris le bon cette fois, je devais vraiment me défouler.

En rentrant dans le dojo, je pris directement un des sac de sable que j'avais vu et l'accrochai. Ne sachant pas où étaient les gants, je ne pris pas la peine d'en prendre, me contentant de mes bandes habituelles. Je savais que c'était dangereux mais ça me calmait.
Je me mis à frapper dans le sac, chaque coup était violent et irréfléchi mais montrait quand même une certaine habitude. Je n'avais jamais su d'où je tenais ça mais hors mis mes dons de guitariste/chanteuse, j'excellais dans divers sports de combat.

J'entendis le jeune homme entrer à ma suite mais n'en fis rien, me concentrant sur mon sac de sable. Je le frappai un long moment, cinq minutes, peut-être dix jusqu'à ce que, de fatigue, je rate un coup et me fasse éjecter par le sac. Entre son élan et son poids, je reculai de quatre ou cinq bons mètres.
Trop fatiguée pour me relever, je restai ainsi, immobile, les yeux fermés.

J'attrapai les deux gants et les regardai d'un air désintéressé.

« Ces trucs là ça vous empêche les mains de bouger, je déteste ça. »

Mon ton était à présent calme et posé. Cet exercice m'avait assagie, me rendant plus sereine. La petite voix s'était tue, enfin.

« Pour éviter de me blesser il vaudrait mieux que je fasse plus attention à ce que je fais... »

Je m'assis, posai les gants sur le côté et le regardai.

« Désolée pour tout à l'heure, j'étais juste fatiguée et sur les nerfs... »

« Si je pensais que quelqu'un pouvait y faire quelque chose, ne pensez-vous pas que je m'en serais plainte jusqu'à obtenir de l'aide ? Il y a des limites au masochisme... »

J'avais dit ça sur la même ironie que lui tout en me relevant. Je remis le sac en place et refrappa dedans. Mais de façon régulière et méthodique cette fois. On y voyais plus de l'habitude mais du savoir-faire. J'en profitai pour changer de conversation.

« Vous m'avez l'air doué, vous pratiquez un sport de combat en particulier ? »

J'avais dit ça d'un air détaché. Je craignais le retour de question mais y étais habituée, je saurai quoi répondre.

Je ne répondis pas à ce qu'il dît d'abord, préférant rester sur le sujet futile sur lequel j'avais tourné la conversation. Un bon lieu de refuge pour éviter les questions indiscrètes. Que ce soit parce qu'il était professeur ou curieux, j'étais persuadée qu'il lui suffirait de peu d'informations pour vouloir savoir tout le reste. C'était une grande qualité mais aussi un gros problème pour une amnésique schizophrène qui ne comprend pas pourquoi elle vit ce qu'elle vit mais qui n'a, de toutes façons, pas le choix.
Je m'éloignai de cette pensée d'un coup de pied plus violent que les autres dans le sac de sable, m'arrêtant en même temps de frapper et m'éloignant pour laisser mon défouloir s'immobiliser. Ce qui me laissa le temps de réfléchir à sa proposition. Accepter voudrait dire discuter avec lui, refuser voudrait dire m'isoler... Mais je ne voulais pas m'isoler, pas tant que cette malade dormait.
Je me tournai donc vers lui et acceptait volontiers avec un sourire. Il me tendit alors un verre que je reçu dans un merci. A vrai dire je n'avais pas soif mais boire étais une excuse comme une autre, non ?

« Vous vous débrouillez quand même bien pour quelqu'un qui n'a fait du sport que comme défouloir... C'est rare. » Dis-je, doucement. Assez haut pour qu'il m'entende même si ma voix se rapprochait du chuchotement. Je l'avais moi-même entendu mais cette phrase me semblait si inutile que j'avais eu peur de la prononcer. Seulement, que pouvais-je dire d'autre ?

Il m'avait refait un début de court sur les sports de combat qu'il me semblait avoir déjà entendu des centaines de fois. J'avais sûrement appris ce que je savais de quelqu'un d'autre. C'était un discours qui ne me rappelait, d'ailleurs, qu'ennuie. Ce que je pouvais comprendre sans avoir toute ma mémoire : à répétition, c'est le genre de discours barbant qui vous fait douter d'une quelconque existence de la maitrise de soit. Peut-être était-ce pour ça qu'on nous le rabâchait si souvent ? En sachant supporter des professeurs qui radotent on devrait être capable de tout supporter... Quoiqu'il en soit, je ne lui répondit pas, voyant qu'il cherchait déjà un autre sujet de conversation.
Il me demanda alors en quelle année et en quelle classe je rentrais.

« Tout ce que je sais pour le moment c'est que je rentre en septième année... Je saurais le reste d'ici peu de temps je suppose... J'espère. »

Et que voulait-il que je rajoute à cela ? Je n'avais, à ma connaissance, jamais été de nature très bavarde alors pour engager une conversation sur la classe dans laquelle je rentrais, sans même la connaitre... Ce n'était pas quelque chose que je savais faire. Pourtant c'était à la portée de n'importe qui, mais pas elle...